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Les enjeux de l'eau
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Une pompe à fric pour les noyaux durs

Si le prix de l'eau privatisée a, en moyenne, plus que triplé par rapport à celui de l'eau publique, il faut hélas s'attendre à ce que cela continue, tant cette privatisation semble irréversible. C'était il y a une vingtaine d'années seulement et on oublie déjà que la distribution de l'eau était alors du ressort des communes qui la vendaient à prix coûtant, entre 0,5 et 1 euro le mètre cube. Les disparités étaient déjà fortes entre les factures des usagers français, les plus chanceux payant l'eau 100 fois moins cher que les plus défavorisés, et l'eau atteignait déjà ses 7 euros le mètre cube par endroits. En 1960 en France, près des trois-quarts de la distribution de l'eau était publique.

En 2010, cinquante ans plus tard seulement, 80% de notre eau est géré par des compagnies privées, leaders mondiaux dans ce domaine. Cohabitation, noyaux durs, les affaires… Remémorons-nous donc le déroulement de l'opération "pour jouer dans la bande de l'oncle Sam, il va falloir tondre les Français". Parce que l'on oublie trop vite ce genre d'évènements, on oublie de s'indigner, de ramer à l'envers, de tourner les talons et d'oser inventer ailleurs et/ou chez soi un monde plus juste.

Voilà l'affaire : lancée en 1985, l'idée des programmes Eurêka est d'offrir aux Européens les moyens de répondre, au niveau de la recherche, à leurs concurrents étasuniens et japonais. Et François Mitterrand a eu envie, avec quelques gros investisseurs, de créer de véritables autoroutes de l'information, capables de véhiculer partout des données à très haut débit, ce qui ne peut se faire qu'avec la fibre optique, une technologie dans laquelle la France connaît des résultats intéressants. Mais câbler tout le pays est un projet pharaonique, l'État lui-même n'en a pas les moyens. Seules les banques pourraient réussir ce pari, par le biais d'industriels capables de rembourser leurs prêts.

Pour une exploitation facile, la facturation se ferait au méga-octet. Mais quelles sont donc les entreprises à même de gérer les comptes de clients branchés sur un réseau de distribution ? EDF-GDF ? Oui, mais elle appartient à la nation et on ne pouvait espérer, en 86, la capitaliser. Quelle autre entreprise alors ? Il y a bien les compagnies de l'eau qui exercent ce type d'activités mais elles sont petites, très localisées et, à mi-chemin entre sociétés et services publics, elles auraient à muter pour faire des bénéfices. Que faire ?

Jacques Chirac, Premier ministre, invente alors les noyaux durs, sortes de pôles économiques à la japonaise, mêlant banquiers, industriels et grands commis de l'État. Les compagnies de l'eau, vite intégrées, font alors monter les enchères. Elles acceptent de s'attaquer au défi mais, pour éviter des projets sans lendemain, elles revendiquent aussi le contrôle du contenu des futurs tuyaux. L'expérience de l'informatique a montré que ce ne sont pas les machines qui rapportent mais ce qu'elles véhiculent. Distribuer, à très haut débit, du son, de l'image, des données et des pages de services ne peut profiter qu'en s'attaquant au marché mondial de la communication. Et donc en rachetant des télés, des éditeurs, des studios de cinéma, etc. Canal+, Universal et j'en passe, l'ambitieuse CGE veut devenir la future Vivendi… Que de pognon ! Il va donc falloir saigner les Français, c'est le seul moyen de collecter des fortunes pareilles. Et le mieux serait qu'ils ne discutent même pas, que ça leur paraisse normal.
 
Jusqu'alors l'eau nous était vendue à prix coûtant et donc, en augmentant son prix, on disposait instantanément d'autant de liquidités supplémentaires, il n'y a qu'à collecter. L'or bleu est devenu aux noyaux durs ce que le l'or noir est à l'État : une pompe à fric. Pour justifier une forte augmentation du prix de l'eau, on fit croire aux Français à l'urgence de sa dépollution. Tout à coup ? Comme ça ? Alors que personne ne s'intéressait au problème jusque-là ? Ça faisait un peu louche et le Président a nommé un homme à lui comme ministre de l'Environnement, assez crédible pour que le public s'imagine qu'il y fut pour quelque chose, Brice Lalonde. Ainsi l'État, sous le prétexte d'une saine moralité écologique, a demandé à la Lyonnaise, à la Suez ou à la CGE de bien vouloir s'occuper de nous. On a fait d'une pierre deux coups : les compagnies allaient se gaver, tout en se faisant passer pour les sauveurs de la planète. Bon plan ! C'était parti pour le racket du siècle…

Vingt-cinq ans plus tard et malgré les milliards d'euros ramassés, on ne constate aucune amélioration de la qualité de l'eau du robinet, bien au contraire. Aujourd'hui, 5 millions de Français boivent une eau dont le taux de nitrates dépasse la norme admissible. Dénitrifie-t-on ? Non. A-t-on abandonné l'usage critiquable de la chloration ? Non. A-t-on diminué un tant soit peu les 35% de pertes dans les conduites collectives ? Non. A-t-on installé des stations d'épuration payées par notre seule consommation plutôt que par les impôts locaux ? Non, non et re-non.

On a juste augmenté le prix de l'eau dès que Brice Lalonde s'en est pris aux agriculteurs en leur faisant porter la casquette. Ensuite, dans la foulée, tous les abonnés ont vu leur facture augmenter de 10% en moyenne chaque année. Doucement mais sûrement, la redevance double ainsi tous les sept ans. Certains l'ont même vue tripler. Aujourd'hui, elle dépasse 1% du budget des ménages. Alors même qu'aucun service supplémentaire n'est fourni, qu'aucune nouveauté n'a été développée.

D'ailleurs, nous verrons comme l'on se moque de nous. Savez-vous par exemple ce qu'il advient des boues résiduelles des stations d'épuration ? Je raconte dans l'article sur l'assainissement une anecdote significative de la façon dont les compagnies de l'eau et leurs filières prennent en charge le problème de la dépollution.

Du racket hydro-médiatique, disions-nous ? Voici une affaire que l'on m'a rapportée et qui en dit long : à Toulouse, à la fin des années 80, la ville pouvait s'enorgueillir de deux belles réalisations publiques, financées par la collectivité. Elle venait de mettre en service à Pech David la première station de potabilisation utilisant des membranes d'ultrafiltration, un procédé nouveau évitant la chloration. Et, par ailleurs, la ville, avec la Compagnie Générale des Eaux et quelques partenaires, était fière de mettre à disposition des Toulousains une chaîne de télévision hertzienne locale, TLT.

Un jour, la mairie décida, on se demande pourquoi, de céder la nouvelle station de traitement d'eau. La vente rapporta 200 millions d'euros qui furent payés cash par la CGE. C'est alors que, dans les mois suivants, on s'inquiéta brusquement pour TLT, qu'il fallait, paraît-il, relancer d'urgence. La ville, co-administratrice, décida de verser une grosse somme à la chaîne et poussa la CGE à s'impliquer un peu plus, l'autorisant même à devenir premier actionnaire. Au total, la CGE aurait ainsi récupéré la majeure partie des sommes qu'elle venait de verser et elle devenait propriétaire des deux réalisations de la ville, déjà financées par le public : son grand château d'eau novateur et sa télévision locale. Serait-ce son sens de l'intérêt général et de Vivendi en particulier qui a permis à M. Baudis, un peu plus tard, de devenir président du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel ? Le lobby hydro-médiatique n'est pas ingrat, c'est vrai… Voyez Messier, il s'en sort bien, non ?

Parlons d'un autre racket, plus petit certes, mais qui touche à la source. Il s'agit de la captation des captages. Partout en France les distributeurs réalisent de nouveaux captages, sous prétexte de qualité sanitaire, privant les villages de leurs fontaines publiques et confisquant aux petits vieux dans leurs hameaux de haute montagne les sources près desquelles leurs ancêtres avaient choisi de bâtir, les rares puits et les derniers torrents d'eau pure. L'application du "je ne veux voir qu'une seule tête", suivie à la lettre par nos noyaux durs, va jusqu'à forcer ces petits vieux à leur payer une facture alors qu'ils n'avaient jusque-là qu'à se pencher pour disposer d'une ressource que la nature avait mise à disposition des êtres vivants du coin. Vraiment, ces compagnies ne manquent pas d'air. D'ailleurs, on le sait bien chez Vivendi, l'aînée de la branche française des Rapetou, ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières


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