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POURQUOI UN HABITAT  ÉCOLOGIQUE ?
par François Desombre (article publié dans Biocontact d'avril 2006)


On ne construit en principe qu'une habitation dans sa vie. C'est donc un rêve qui se concrétise et il est normal de vouloir faire au mieux. Bâtir ou rénover sa maison est une affaire qui mobilise une grande partie de l'existence. Elle mobilise aussi des moyens matériels importants, comme aucun autre bien commun à chacun de nous. Pourtant, on ne nous apprend rien à ce sujet, ni à l'école, ni après : construire est devenu une affaire de spécialistes. Ouvrir le dossier de l'habitat est plus que jamais nécessaire, pour redonner à chacun les moyens d'exercer de bons choix, pour longtemps.


La prise de conscience déferle :

Les bâtiments du futur seront sans doute différents car le grand public découvre qu'il doit soigner son logement pour éviter de subir des nuisances préjudiciables à la santé et au bien-être. Celles-ci commencent à être dévoilées. Par les magazines, les émissions de radio, les documents militants, l'information sur les risques du bâtiment met la puce à l'oreille des consommateurs. Une vague de fond s'élève en France depuis peu, celle d'une exigence nouvelle en matière de logement. Elle dépasse le cadre des écologistes et gagne toutes les couches de notre société, un peu comme l'agriculture bio, dans les années quatre-vingt.

Les dangers abondent dans le bâtiment moderne, et il en va ici comme dans l'alimentation, à ceci près que le public est encore moins informé. L'assiette est grand public, tandis que la truelle reste aux pros. Et l'on découvre chaque jour les conséquences des erreurs commises par ignorance. Elles occasionnent des maladies chez les professionnels et peuvent avoir de graves conséquences sur les bébés ou les personnes âgées et fragiles. Pour les autres, elles s'ajoutent aux empoisonnements à petites doses subis en mangeant, en conduisant, en travaillant, et dont les effets cumulés apparaîssent enfin aux responsables de santé. Voyez l'affaire de l'amiante : elle sera sans doute suivie de celle de la laine de verre, dont on décèle une quantité inquiétante dans l'air, même au sommet des Alpes. Les études médicales sont claires : un habitat mal réalisé nuit à la santé. Il peut aussi défigurer un paysage, gaspiller de l'énergie, accentuer l'effet de serre ou dégrader les ressources naturelles, l'eau par exemple. À l'inverse, l'utilisation de bois dans la construction fixe le CO2, celle de la terre évite toute chimie, celle des isolants naturels préserve l'air, celle de toilettes sèches respecte les cycles biologiques, etc. De plus, ces alternatives apportent un surcroît de confort, de santé, d'économies, de beauté... Elles s'adressent à tous, aux particuliers comme aux collectivités.


Que font les responsables ?

Ce mouvement en faveur d'un habitat sain est d'autant plus fort que de nouvelles directives européennes tendent à reconsidérer l'évolution du monde sous un angle qui lui donne une meilleure chance de durer. Ces orientations veulent parer aux problèmes les plus voyants, et donc les plus payants au niveau électoral, comme celui du réchauffement climatique. Ah, la météo ! Ça plaît toujours… Et puis avec ça, on ne pointera pas tel ou tel industriel du doigt. On peut même avancer que le problème est général et que c'est à nos impôts, heu… pardon, aux États que revient le problème. Ainsi, au vu de rapports alarmants, l'Europe se décide à quelqu'effort pour réduire ses pollutions. Et, dans les actions possibles, changer notre façon de bâtir est un axe majeur. En effet, le secteur de la construction génère en France le quart des émissions de gaz à effet de serre et représente, transport de matières compris, près de la moitié de notre consommation énergétique. Ce qui montre la nécessité d'un changement en la matière. Cependant, encourager la filière bois, saupoudrer des subventions, organiser des colloques, voilà quelles semblent être les seules actions menées par notre État. "Paroles, paroles, paroles !" Alors que, de toute évidence, un sincère souci de développement durable dans la construction de bâtiments aboutit à de vraies solutions pour éviter les échecs, dérives et risques de notre civilisation.

Il y aurait besoin, en France, de deux millions de logements (pas sept cents mille, comme on le dit officiellement). Que seront-ils ? Nous entrons dans le vingt et unième siècle et le droit à un habitat de qualité est loin d'être acquis pour tous. Le bruit, par exemple, est considéré par une majorité comme la plus grande nuisance. Et lorsque l'on sait que plus de trois cents mille logements subissent un niveau acoustique pénible, on voit qu'il reste encore à faire pour que chacun se sente bien à la maison. Le bruit est une nuisance que l'on ressent immédiatement. Il est par contre des pollutions plus discrètes qui remettent en cause notre santé elle-même. Là, c'est le comble ! Une maison se doit d'être un abri, pas le lieu de tous les dangers ! Pourtant, avec les formaldéhyde, benzène, lindane, toluène, radon, fibres minérales, fumées, acariens, électricité statique et j'en passe, il existe toutes sortes de raisons domestiques de tomber malade ou de voir son immunité dégringoler. Les techniques actuelles génèrent aussi des pollutions invisibles, comme les champs électromagnétiques, les émanations chimiques du bois ou des peintures, les résidus de combustion atomique dans certains blocs de béton ou laines de verre, les cendres sidérurgiques dans certaines plaques de plâtre, le radon de certains sous-sols, etc. Des bouteilles en plastique, des mousses de sièges de voitures, des boues de papeterie, des cendres radioactives, sont parfois recyclés dans les matériaux de gros-œuvre...


Construire sans détruire :

Dans ces conditions, comment éviter les erreurs, les embûches imprévues, les pièges parfois subtils ? Comment être sûr de la qualité d'une marchandise si l'on n'en connaît pas jusqu'au procédé de fabrication ? Comment ne pas polluer ? Ne pas être pollué ? Réponse : question de choix. Si bien que vivre et agir en harmonie avec l'environnement ne demande qu'une chose : un certain savoir. Être bien informé, connaître les alternatives les plus récentes comme les traditions qui ont fait leurs preuves, voilà comment chacun trouvera son chemin, hors de sentiers qui ne sont pas seulement battus mais visiblement dangereux pour les temps à venir.

Car, de fait, construire influence toujours l'environnement. Mais rassurons-nous : se loger sans dommage pour l'écosystème et la santé est possible. Pour cela, il faut employer des matériaux naturels, sobres en énergie à la production comme au transport et à la mise en œuvre, mais aussi faciles à recycler, voire biodégradables. C'est le premier critère et le rêve serait une maison qui puisse être compostée après usage. Les produits végétaux ou animaux sont seuls à répondre à cette exigence. Car, même si la terre cuite retourne un jour à la poussière, elle exige des volumes d'énergie pour l'extraction, la cuisson et le transport, l'énergie "grise", qu'une yourte en laine ou une maison en bambou économisent. Mais nous ne sommes ni en Mongolie, ni au Cambodge, et il fait froid l'hiver. Aussi l'adoption des commodités comme l'eau, l'électricité, le chauffage, demande-t-elle un gros-œuvre résistant, ceci nous incitant, à tort bien souvent, à bâtir en dur, comme on dit. Sans bâtir en mou pour autant, il existe des centaines de solutions pour construire son nid, parfois si simples qu'on a du mal à y croire. Des solutions propres, sans technicité et de traditions éprouvées, qui ne demandent qu'à se répandre, qu'on les redémontre, malgré le peu d'intérêt que leur portent les professionnels.
Tant de savoirs perdus !

Des solutions écologiques pour le bâtiment, c'est quasi ésotérique... Pourquoi utiliser une technique plutôt qu'une autre ? Où sont donc les vieux qui savaient ? Alors qu'avant, les gens faisaient leurs adobes en famille, ces briques de terre moulées à la main et séchées à l'air, que reste-t-il de ce savoir en dehors des usines ? Et la chaux ? Combien l'utilisent correctement ? Le pont du Gard tient depuis deux mille ans avec ses mortiers de chaux, tandis que l'enduit de ciment du garage de tonton donne déjà, après une vingtaine d'années, de curieux signes de pourrissement. Alors, pourquoi donc le plus costaud est-il délaissé jusqu'à l'oubli ?

Une maison conventionnelle contemporaine sera dégradée en moins de trente ans. Sa durée de vie est prévue pour un cycle : du moment où l'on s'installe en couple jusqu'à la retraite. Viendront ensuite d'autres projets de logement, en fonction de la santé, de la proximité des enfants, de la charge d'une habitation devenue trop grande. À chaque période de vie son nid, et il est devenu normal qu'un logement soit conçu pour l'existence qui y sera menée, plus que pour la valeur d'un bien à transmettre. Nos modes de vie ont beaucoup évolué au siècle dernier, tandis que la construction traditionnelle devenait peu à peu obsolète, car seulement adaptée aux activités agricoles. Depuis lors, on n'a pas su inventer d'agréables logements, à la fois conformes aux réalités de la vie moderne et fidèles à nos bases naturelles. De plus, l'abandon progressif d'une vie sociale communautaire, notre tendance à l'individualisme et des réglementations aussi rigoureuses qu'ostraciques poussent à construire petit, vite et pas cher.

Enfin, la spécialisation de chacun d'entre nous dans sa profession conduit à sous-traiter des choses aussi simples que la pose d'une prise de courant ou le creusement d'une petite tranchée. Au coût de la main-d'œuvre, construire revient donc de plus en plus cher. Et l'on est vite contraint à renoncer à la qualité des appareils et matériaux. En toute logique, l'accès au logement pour tous passe par la modération des coûts, et alors le choix de matériaux à bas prix devient la généralité, hélas.


Écologique = sain, simple, beau, astucieux et économique

On peut pourtant construire bien mieux, en optant pour des solutions différentes. Chacune a ses avantages et ses inconvénients. La plupart limiteront la dépense et laisseront des disponibilités pour adopter d'autres alternatives, parfois coûteuses au départ, mais aisément amortissables, comme un équipement solaire, une isolation poussée ou une serre bioclimatique. Économiser ici, sans sacrifier à la qualité, pour pouvoir investir là, dans plus rentable encore…

On assiste depuis quelques décennies à une réhabilitation des méthodes et matériaux traditionnels. Rien ne semble en effet plus économique que des murs en pisé, mortier de terre et de paille. Avec ces méthodes, il n'y a ni achat, ni transport et la mise en œuvre ne nécessite que quelques grandes planches, une dameuse manuelle et des serre-joints… Des millions de maisons sont bâties ainsi de par le monde. Au Maroc, les plus beaux et plus récents hôtels sont construits selon les habitudes ancestrales et le pisé y est roi pour le grand bien de tous.

Mais le pisé n'est pas seul : les connaissances anciennes, remises au goût du jour, nous donne le choix entre la maison de bois à la scandinave ou en rondins, les torchis les plus évolués, l'ossature bois, les enduits de terre, les murs en ballots de paille et bien d'autres possibilités. Le mouvement écologiste n'est pas étranger au renouveau de ces techniques. Remercions tous les pionniers qui ont partagé leur expérience. Ils n'ont pas eu peur de l'originalité et ont prouvé la validité de leurs choix.

Ensuite, et ceci est valable pour toutes les maisons, viennent l'électricité, le chauffage, la salle d'eau, la cuisine, les évacuations. Un système d'épuration naturelle est plus efficace et moins coûteux qu'une fosse toutes eaux. Un poêle à bois relié à un mur chauffant est plus agréable et économique qu'une chaudière avec radiateurs. Le chauffage de l'eau domestique avec des capteurs solaires est possible grâce à des appareils simples et subventionnés.

Et puis il y a le recyclage : portes ou fenêtres d'occasion, faciles à trouver, sont, une fois rénovées, plus solides et plus belles que celles fabriquées en usine. Le recyclage soulage le portefeuille, du moment que l'on accepte de gratter et de frotter. Après la construction, viendra aussi l'amortissement sur le long terme, où l'on verra que les investissements consentis à l'occasion d'une construction bioclimatique seront vite effacés par les économies d'énergie qu'elle réalise à l'usage.

Reste enfin la question du choix, financier certes, mais aussi esthétique ou éthique, voire affectif. Il reste toujours une part de préférence personnelle dans les choix qui sont faits et c'est heureux. Plus grande est cette part, plus doux est le gîte. Et tant pis si la cuisine n'est pas équipée avant quelques années, si, utile et agréable, l'on choisit de planter des arbres d'abord.

À toutes ces options écologiques, une condition : conduire soi-même les travaux, mettre la main à la pâte, imposer ses vues aux fournisseurs et sous-traitants. Car, de fait, rares sont les professionnels disposés à travailler avec des matériaux alternatifs engageant leur savoir-faire, leur temps, leur responsabilité et leur garantie légale. L'écoconstruction est une merveilleuse aventure, pourvu que la maison soit réussie. Que ce soit en sous-traitant des travaux ou en les faisant soi-même, il est nécessaire de rester vigilant et exigeant.


On dit que la maison est notre troisième peau, avec les vêtements et la vraie. Il est donc indispensable que les bâtiments soient sains, naturels, aérés, propres, ouverts au soleil l'été, doudounes l'hiver, qu'ils ne présentent pas de nuisances préjudiciables à notre santé, physique et morale. Construire intelligemment et en conscience peut réduire l'impact négatif des humains sur les équilibres de la nature, sans rien sacrifier du confort ni de la qualité de vie.

 
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